01.12

“Ça y est, la Corée est derrière moi, maintenant. Je crois que j’ai parcouru un bout petit bout de chemin, en presque deux mois. Un peu affaiblie en arrivant, physiquement et mentalement, j’en repars plus forte, plus sûre de moi. Des idées dont je ne soupçonnais pas la portée ont germé en moi, et je les vois aller loin. Du moins, je vais tout faire pour cela. Je dois remercier Luke, avec qui j’ai partagé le premier mois et qui m’a poussée à chercher des réponses aux questions que je me posais au fond de moi. Notre séparation est arrivée en temps voulu mais je n’oublierai pas l’empreinte qu’il a posée sur ma route.

Le mois et les rencontres qui ont suivi, à Busan et autour de cette auberge dans laquelle j’ai travaillé quelques temps a servi à consolider tout cela et à mettre un peu d’ordre dans ce tourbillon d’idées nouvelles qui m’ont assaillies. Alors que les quelques jours ayant suivi le départ de mon ami, couplé à la mauvaise nouvelle qu’a reçu ma famille, ont été quelque peu rudes et m’ont fait envisager d’écourter mon séjour coréen, le sort en a voulu autrement. Il a mis sur mon chemin des êtres aux grands cœurs avec qui j’ai partagé des moments courts mais néanmoins infiniment riches et précieux. Moi qui m’inquiétais de m’ennuyer, Jackie est arrivée à la rescousse pour partager mon quotidien devenu alors presque routinier, de quelques heures de travail par jour.

Cela, additionné aux grands moments de rires et de complicité lors de nos sorties avec les volontaires des autres branches de “Popcorn”, ainsi qu’à d’autres rencontres encore, certaines plus éphémères que d’autres, ont préparé en ces quelques semaines un délicieux cocktail de souvenirs que j’emporte affectueusement avec moi pour cette nouvelle étape. La Chine s’annonce pleine de nouvelles aventures et je m’en réjouis. Je me permets ce dernier regard sur un pays qui m’aura définitivement marqué afin de pouvoir pleinement apprécier la suite et à nouveau, je me sens reconnaissante pour toutes ces peines, ces joies et ces enseignements que la vie met sur mon chemin.

Merci, magnifique Corée.

J’écris ce texte depuis le ferry sur lequel j’embarque, à Pyeongtaek, dernière de mes étapes coréennes. J’y vois de la neige pour la première fois de l’hiver, et ça me fait tout drôle. Les heures qui suivent sont un challenge. La caissière qui me vend mon billet me regarde avec de gros yeux: “Tu es seule? Pourquoi tu ne prends pas l’avion, comme tout le monde?” Je n’ai pas envie de lui expliquer mes raisons, qui sont principalement écologiques, et me détourne. Je ne tarde pas à réaliser qu’en effet, AUCUN touriste ne fait la même chose. Dans la salle d’attente, tout le monde me fixe comme si je débarquais d’une autre planète; la plupart des personnes présentes sont Chinoises, il y a quelques Coréens. Ça me met mal à l’aise. En plus, j’ai droit à un traitement spécial (ça doit être mon style “j’ai l’air d’une occidentale perdue”) qui me fait passer devant tout le monde, à l’embarquement et plus tard, pour le repas. En même temps, dans la cantine, il y a deux lignes: une pour les chinois, une pour les coréens. Difficile de savoir où se mettre….
Mais je me réconforte en profitant d’un beau coucher de soleil qui clôt ce chapitre de ma vie.

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Je soupçonne aussi la caissière de m’avoir menti en me disant qu’il ne reste plus de places en deuxième classe car elle était inquiète pour moi. Sur le coup, ça m’irrite un peu de devoir payer plus, mais je découvre la deuxième classe, et je me dis que c’est pas plus mal d’avoir une cabine privée…

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Enfin! Après 14 heures de trajet, j’arrive à Yantai, en Chine. J’ai tout de suite un bon feeling, j’aime l’atmosphère qui règne dans les rues. Par contre, je n’ai aucune idée d’où aller: l’auberge que j’ai réservée donnait quelques indications, mais je réalise qu’elles ne sont vraiment pas claires. Je rentre donc dans un bus en ayant vraiment aucune idée où je vais finir; il n’y a pas un mot en anglais autour de moi. On me fixe; je vais devoir m’habituer, à ça… Je sors du bus quelques arrêts plus tard, convaincue d’être allée dans la mauvaise direction, alors j’en prend un autre dans l’autre sens. Je ne reconnais aucune indication, je sors à nouveau, un peu au hasard, et me met à marcher, en quête de wifi ou qui sait, d’une carte. Vingt minutes plus tard, je tombe miraculeusement et complètement par hasard pile sur la rue où je dois être. Parfait!

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L’allée dans laquelle je m’engage est tout à fait charmante. L’auberge de jeunesse l’est aussi, sauf qu’il y fait un froid glacial, dans la chambre. Il n’y a presque personne, ni là, ni plus tard quand je vais visiter les alentours. Cela me surprend, car on m’avait préparée à des hordes de touristes chinois partout. Ça doit être la saison. Du coup, je profite de ces moments de calme pour me familiariser avec les environs.

Il y a une tour dans le parc près de là, mais je n’y monte pas, car il y a tellement de brouillard que je ne verrais rien. Je me demande si c’est naturel ou si c’est la pollution… J’apprendrai plus tard que Pékin est en ce moment dans le rouge par rapport à ça; je crois que j’ai ma réponse.

L’endroit est désert mais en me rapprochant de l’allée principale longeant la côte, je commence à voir plus de monde. Ou plutôt, eux me voient, et cette désagréable sensation d’être constamment observée s’installe en moi pour ne plus me quitter, les 20 prochains jours.  Un couple en pleine séance photo me demande même de poser avec eux. J’en profite pour prendre une photo avec la belle mariée.

Mon temps à Yantai est court. En partant, je ne manque pas d’immortaliser cette phrase qui résonne beaucoup avec moi 🙂

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Je suis impatiente d’en voir plus, je prends donc un bus pour Qingdao, connue pour sa bière éponyme. Une fois à l’arrêt de bus, qui n’est pas celui que j’espérais, je n’ai absolument AUCUNE idée où aller. Après quelques errances dans le coin, je tombe sur une employée de la gare qui va m’aider, en déterminant quel bus je suis supposée prendre. En quelques minutes, c’est réglé: je dois prendre une photo de son téléphone avec la carte de ma destination (je n’ai plus accès aux cartes de mon téléphone, du coup j’ai beaucoup de photos de ce genre sur mon appareil), monter dans un bus et sortir après sept arrêts. Je la remercie chaleureusement et saute dans le bus. Sept arrêts plus tard, j’y suis, uniquement grâce à ses indications, car il n’y a absolument rien autour de moi qui me dit où je pourrais bien être…

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J’y passe deux jours agréables, malgré le froid que j’apprivoise petit à petit.

Comme toujours, j’improvise un peu, alors au lieu d’aller à Shanghai tout de suite après Qingdao, comme prévu, je décide de d’abord faire un tour par Hangzhou, ce que je ne regretterai pas… Je prends donc un train.

04.12

“A cette heure-ci, les gens, là-bas, se préparent probablement pour aller au travail, ou en cours. Ils feront les choses qu’ils font chaque jour, peut-être avec l’excitation du week-end qui approche. Ce soir, comme d’habitude, ils se réuniront avec leurs amis et profiteront de cette liberté éphémère autour d’un verre ou cinq. Quant à moi, je suis dans un train, encore une fois. J’ai dû vérifier quel jour on était, car ma notion du temps est restée avec ma routine, là-bas, où sont ces gens. Je dormirai demain ailleurs qu’hier et je ne sais encore rien d’où je vais débarquer dans quelques heures. Oh, bien sûr, j’ai quelques constantes : la musique dans mes oreilles m’accompagne à travers les continents et mon thermos est toujours présent pour me réchauffer le corps et l’esprit. Mais mes yeux qui regardent en ce moment les montagnes de la province de Shandong, en Chine, pourraient tout aussi bien contempler quelque autre désert ou rivière de notre sublime planète. Le nouveau, l’inconnu est devenu mon ordinaire. Je dis cela par simple constatation ; c’est mon train de vie, celui qui me convient. Je ne sais plus vraiment comment on vit, là-bas, pour être honnête. Je m’y suis habituée, et il m’est devenu si naturel que parfois, j’oublie qu’il ne l’est pas tant que ça, en fait. J’appréhende un peu le retour, même s’il sera provisoire. Je ne sais pas ce qu’ils voudront de moi, ce qu’ils voudront entendre, ni ce que je vais leur dire. Je ne sais pas s’ils trouveront que j’ai changé ou si je me dirai qu’ils sont les mêmes. Et puis, notre temps sera tellement compté, peut-être qu’il vaudra mieux ne pas le gâcher par des phrases, par des discussions superficielles. Je ne saurais comment leur dire, comment leur expliquer, par de simples mots ; il faudrait que je les prenne avec moi, il faudrait qu’ils sentent mon cœur battre à ma place, que mon sourire se dessine sur leurs propres lèvres. Alors, peut-être qu’à juste m’asseoir en leur compagnie et les regarder en silence, peut-être qu’ils comprendraient mieux. Peut-être que le reflet de mon âme s’exprimera mieux que ma bouche qui ne sait rendre les émotions si vivantes qu’elles ne le sont, ce soir, dans ce train. Et leur routine rencontrera mes aventures…”

Jil is Lucky – The Wanderer

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