Est-ce que vous croyez en la magie?
Moi, j’y crois. J’y ai toujours cru, mais je m’étais un peu égarée en la cherchant.
Heureusement, j’ai trouvé des flèches jaunes pour me guider vers elle à nouveau…
Les étoiles se sont alignées, et la route s’est ouverte devant moi.
En apprenant peu à peu à m’écouter, me ressentir, me comprendre, j’ai appris à entendre ce que le Chemin avait à me dire, ce qu’il avait à me montrer.
Ce n’est que le début. Il y a encore beaucoup d’autres kilomètres à parcourir, et ce n’est pas le moment de baisser les bras.
Je mets peut-être mon sac à dos et mes bâtons de côté pour le moment, pour reposer mes épaules et mes jambes que je sens beaucoup plus musclées qu’avant mon départ; mais mon cœur se réveille encore tous les matins à l’aube, afin d’atteindre sa destination du jour.
Les symboles ont été nombreux.
Il y a ceux qui sont évidents: les métaphores du sac pour le poids que nous portons avec nous, notre passé et notre histoire, les bâtons comme supports pour avancer que nos amis et nos qualités incarnent… ou encore les douleurs de nos blessures qui nous ralentissent et nous arrêtent même parfois, quelque temps, mais ne nous empêchent jamais d’aller vers l’avant.
Il y a mes images préférées, celles du mouvement, celles du nouveau jour qui se lève quel que soit le temps de la veille.
Bien sûr, cette météo est aussi une image, car nos vies sont faites de soleil, de pluie, de vent et de tempêtes de neige.
Il y a d’autres symboles, plus subtiles ou personnels. Des comme ça, j’en ai eu plein; je pourrais écrire tout un bouquin.
Un jour, par exemple, quelqu’un m’a dit, après avoir marché plus d’une demi-heure dans la mauvaise direction et empêché une autre pèlerine de faire la même erreur:
“Parfois, nous nous perdons afin de pouvoir montrer la voie à d’autres”.
Il y a les flèches jaunes et autres panneaux, si claires sur le Chemin, que j’avais si peur de manquer après cette expérience.
Mais j’ai compris, près de la fin, qu’elles existaient aussi en moi, elles toujours été dans mon cœur, et que ce n’était qu’une question d’être alerte à ce qu’il y a autour de moi pour ne pas les manquer.
Ce qu’il y avait autour de moi, je l’ai tant aimé, tant remercié.
J’ai ressenti à quel point ce monde autour de moi était vivant, et cela m’a donné tant d’élan.
J’ai éclaté de rire et pleuré de joie en arrivant en haut de montagnes, devant les vues fabuleuses qui se présentaient à moi.
J’ai crié de tous mes poumons face au vent, j’ai sifflé avec les oiseaux en marchant seule alors que le soleil se levait derrière moi, avec gratitude de pouvoir faire partie d’un spectacle quotidien absolument bouleversant.
J’ai trempé mes pieds dans l’eau et reniflé des fleurs, j’ai caressé des chiens et discuté avec des vaches. J’ai même fait des câlins à des arbres (et je l’assume complètement!). Ils me l’ont bien rendu.
La nature a été ma fidèle compagne tout au long des sentiers, à m’apporter l’énergie vitale et réparatrice dont j’avais tant besoin.
La sobriété de mes possessions et de mes occupations a été une bouffée d’air frais dans le monde si encombré dans lequel la plupart vivons, et le silence qu’elle a créé m’a permise d’entendre ma voix parmi le brouhaha dans lequel j’avais été plongée.
Elle m’a aussi permis d’écouter tous les messages parsemés sur mon Chemin.
J’ai apprécié la solitude choisie et gardienne de silence de la marche, celle qui m’a permise d’enfin digérer les expériences de ces trois dernières années, avec compassion et patience.
Elle m’a aussi poussée à chérir encore plus les moments de partage et l’expérience humaine du Camino, dont personne n’est sorti indemne.
J’ai réalisé la force que décèle la compagnie des autres dans les moments de doutes, de tristesse et de douleur, comme dans ceux de joie, de rires et de Vie pure, simple.
J’ai trouvé refuge dans les bras de centaines d’étrangers, en ouvrant les miens à l’aide de deux mots si anodins…
Les rencontres ont été la plus belle surprise, le plus beau cadeau du Chemin. Chaque bonjour, chaque sourire, chaque “Buen Camino!” ont empli mon coeur d’un peu plus d’amour et mon corps d’élan pour continuer à avancer.
J’ai posé un premier pas, seule, à Saint-Jean-Pied-de-Port. Un jour plus tard, j’avais déjà une nouvelle famille.
Une famille qui n’a cessé de grandir.
Quand mes jambes me faisaient tellement mal que j’ai cru ne plus pouvoir avancer, mes amis se sont mis chacun d’un côté de moi et m’ont portée.
Quand la douleur a parfois fait couler des larmes sur mes joues, personne n’a tenté de les sécher. Mais beaucoup ont pleuré avec moi.
Quand je me perdais, il y avait toujours quelqu’un pour m’indiquer le chemin. “Hola Peregrina! Tu te trouves sur le mauvais chemin. Mais ne t’inquiète pas. C’est par là!”
Quand j’avais besoin d’une bonne conversation sur le sens de la vie et de ses épreuves, j’ai toujours rencontré un personnalité intéressante avec qui discuter.
Quand la joie prenait le dessus, il y avait toujours quelqu’un avec qui chanter, danser, être stupide. Et surtout, pour rire! Qu’est-ce que j’ai pu rire….
J’ai chéris de pouvoir parler espagnol et partager en profondeur avec les “Hospitaleros”, ces âmes charitables placées sur notre Chemin pour nous accueillir, nous prodiguer un bon lit pour nous reposer, un lieu calme pour écrire et méditer, un table remplie pour bien manger, et même de la glace pour apaiser nos jambes abîmées. J’ai tant reçu d’eux.
Un jour, nous avons dormi dans une auberge de pèlerins tenue par des nonnes, qui organisent une rencontre chaque soir. Elles ont chanté pour nous et écouté nos raisons d’être là. Elles nous ont dit qu’elles savaient que nous portions tous beaucoup dans nos coeurs, et qu’elles souhaitaient nous encourager dans notre quête. A la fin, elles nous ont donné une étoile….
Ce ne sont tous que des exemples. J’ai accumulé bien d’autres cadeaux, bien d’autres histoires, et je les garde toutes près de mon cœur…
Plus que tout, une lumière qui s’était éteinte dans mes yeux s’est rallumée, une lumière que je pensais partie. Des émotions passées dont j’avais oublié jusqu’à l’existence, des émotions vraies d’enfance, m’ont à nouveau remplies et rappelée que bien que j’ai changé et que je ne serai jamais la même, je ne dois jamais oublier qui je suis sous les couches de mes blessures, ma vie et de mon histoire, comme lorsqu’on enlève peu à peu nos habits à l’arrivée de la chaleur du soleil.
J’ai réappris à prendre soin de mon corps et à l’écouter, car sans lui, il n’y avait aucun moyen que j’arrive au bout.
Je me suis aimée. Oh, qu’est-ce que je me suis aimée. <3
Quand je suis arrivée à Cruz Ferro, où les pèlerins sont supposés laisser une pierre qui symbolise ce qu’ils ont porté avec eux et ce qu’ils sont prêts à laisser derrière, j’en ai laissé deux. J’ai ramassé l’une d’entre elles le premier jour, et elle avait marché avec moi depuis le début. L’autre, je l’ai ramassée en chemin, au début sans vraiment comprendre pourquoi je m’étais sentie obligée de la prendre. Au sommet, j’ai compris: le Camino était fait pour bien plus que guérir du deuil de Numan. Il était pour moi, et faire le deuil de la part de moi que j’ai perdue avec lui. Me pardonner, pour tout ce que je n’ai pas pu faire pour lui, mais aussi pour tout ce que je n’ai pas su donner à moi-même.
Parce que je suis tout autant importante et parce que l’amour pour soi, c’est la première des romances.
J’ai laissé deux messages, une pour chaque pierre. J’ai signé les deux avec: “Je t’aimerai toujours…”
Et j’ai marché, encore et encore.
Tous ces paysages qui ont défilé devant mes yeux, toutes ces villes et tous ces villages traversés, toutes ces rues, tous ces ponts, toutes ces places…
Toutes ces statues…
Toutes ces églises…
Tous ces chemins que des millions de pèlerins ont parcouru avant moi…
Les kilomètres se sont enchaînés, et peu à peu, je me suis rapprochée de la fin. Alors que je croyais parcourir les derniers jours avant ma destination seule, j’ai eu droit au plus beau des cadeaux.
J’ai lâché prise, oubliant la pression que je m’étais imposée à moi-même de marcher 35 km par jour pour arriver plus vite; en faisant cela, quelque chose de mystique m’a guidé vers un petit village en particulier. Là, dans un bar, m’attendaient des amis que j’avais perdu de vue depuis des semaines, qui ne se connaissaient même pas encore quand je les ai rencontrés et que je ne pensais plus revoir.
Et puis, il y a eu l’avant dernier jour. En prenant de l’avance, je suis arrivée seule, sur la terrasse d’un des nombreux restaurants du Chemin. Je me suis assise pour ne repartir que 4 heures plus tard…. car entre-temps, ils ont tous commencé à apparaître les uns après les autres. Tous ces autres pèlerins avec qui j’avais partagé un ou quelques jours de marche, un instant d’amitié, un verre ou des rires; une force incompréhensible les a rassemblé tous au même endroit, au même moment, un jour avant notre arrivée à Compostelle, sans que nous n’ayons arrangé quoi que ce soit.
Nous étions pourtant tous partis seuls, avec des raisons différentes pour avoir marché ces 800 km, mais nous avions une chose en commun: Saint-Jacques nous avaient appelé.
C’est ainsi que je suis arrivée à Compostelle entourée de ma grande famille, partageant avec eux l’un des moments les plus forts de ma vie.
Bien sûr, beaucoup manquaient. Mais tous les autres étaient là avec moi aussi, ainsi que tous mes amis et ma famille éparpillés autour du monde.
Et là, j’ai réalisé. Ce ne sont pas seulement mes jambes qui m’ont portées jusqu’ici.
Sans les personnes incroyables qui sont dans ma vie, je n’aurais jamais pu arriver devant cette fameuse cathédrale.
C’était vous.
Et peut-être un peu de magie….
Merci. <3
Bravo Sophie !
Une aventure que j’aimerais beaucoup avoir vécue. Et, à comprendre le bien que cela t’a
procuré, c’est double regrets.
Heureux pour toi !
Merci tonton!!
Tu sais, il n’est jamais trop tard pour la vivre toi aussi, cette aventure…. 🙂
A bientôt!
Bisouus
Geniaalll!! Contento por ti viva la voluntad!