Bob Dylan – Blowin’ in the wind
Je m’embarque donc pour Kazan, capitale du Tatarstan fameuse pour être un haut lieu de rencontre entre les religions chrétienne et musulmane. Le trajet est assez long (comme d’habitude), mais le temps passe toujours plus vite quand on fait des jolies rencontres. Ces deux sœurs venant de Moscou connaissent pour l’une un peu d’anglais, pour l’autre un peu de français, on peut donc apprendre à se connaître comme cela. Elles servent également de traductrices à la troisième personne sur cette photo, qui est très intriguée par ma présence dans ce train. Toutes ces instants sont si spéciaux.
J’arrive très tôt le matin à Kazan. Après avoir dit au revoir à une autre voyageuse solo, une retraitée américaine rencontrée à Nijni-Novgorod, je me mets en route pour parcourir la quarantaine de minutes de marches qui me séparent de mon auberge. Un regard en arrière, jolie gare.
En route, encore une fois, un type bizarre m’aborde. Lui aussi utilise l’excuse d’être perdu. Je ne suis pas d’humeur, je l’envoie gentiment balader. Il me suit, insiste pour porter mon sac. Je n’ai pas d’autre choix que de m’énerver un peu pour qu’il me laisse tranquille, j’ai peur qu’il me suive jusqu’à l’auberge. Décidément… Quand j’arrive enfin, je ne suis pas emballée par l’endroit, mais il fera très bien l’affaire. Mon téléphone, lui, par contre, apprécie moins…
Le matin, je suis très maladroite, je laisse toujours tout tomber. Mais ça me fait partir en fou rire. Je m’en fiche que mon natel n’arrive pas au bout de ce voyage en un seul morceau, tant que moi, oui! (Il marche toujours d’ailleurs, tant bien que mal) Après m’être un peu reposée, je pars à la rencontre d’Alex, avec qui je suis rentrée en contact à travers une amie commune. Il me donne rendez-vous au lieu habituel pour les locaux, l’horloge de l’avenue principale ornée de caractères en arabe.
C’est trop cool de pouvoir rencontrer quelqu’un d’ici qui parle bien anglais et qui peut me montrer les environs, ça donne une perspective beaucoup plus intéressante que celle d’une simple touriste. Il m’emmène voir sa ville pendant toute la journée. Il est super sympa et m’apprend énormément de choses.
La mosquée qui trône au centre du Kremlin est magnifique avec ses reflets bleus…
Il me raconte l’anecdote de cette Tour de Pise locale: la légende dit qu’Ivan le Terrible la fit construire pour sa future épouse, qui était réticente à ce mariage. Une fois achevée, elle y monta et se jeta du haut de la tour. Sympa, non?
C’est un jour un peu spécial, il y a une importante fête tatare. Dans ce village recomposé, on assiste à un spectacle avec des chants, des danses, des personnes qui lisent des poèmes. Petit aperçu…
C’est une super journée, mais je suis contente de rentrer à l’auberge, car je suis malade et complètement épuisée. Je lis sur internet qu’il y a un lac, un peu en dehors de la ville, réputé pour guérir n’importe quelle maladie et revitaliser le corps. Je n’y crois pas vraiment, mais je me dis que ça ne coûte rien d’essayer, et puis surtout, j’ai besoin de nature. Avec l’aide des employées de l’auberge, j’arrive à arranger quel bus je suis supposée prendre pour m’y rendre. Le lendemain, après un premier bus, je me retrouve à attendre plus d’une heure pour le deuxième. Quand finalement il arrive, mauvaise suprise: il est complètement bondé, on peut à peine rentrer dedans. Et plus il avance, plus les gens essaient d’y rentrer, sans que personne n’en sorte. C’était fou, j’ai bien cru que le bus n’allait pas tenir le coup…
Mais j’arrive finalement, et après une petite marche sur un chemin sinuant le long d’une rivière, je découvre le lac. Malheureusement, des plongeurs sont déjà là… Moi qui voulait un moment tranquille au bord de l’eau, c’est raté.
Je décide donc de me balader un peu autour, un bon moment sous la pluie.
Après une petite heure, je tombe sur un petit coin de lac très tranquille. Je saisis l’opportunité pour me dévêtir et sauter dans l’eau glacée (4 degrés, c’est trrrrrès froid).
Mais je suis fière de moi, tellement que j’immortalise l’exploit 🙂
Pour la petite anecdote, je suis tombée encore plus malade après cette baignade censée me guérir de toute maladie.
Après avoir fait le tour du lac, je profite cette fois du calme retrouvé pour profiter des beaux reflets de l’eau. Je pourrais rester ici des heures…
Mais j’ai un bus à prendre pour rentrer. Je poireaute au bord d’une route sous la chaleur cuisante pendant longtemps à nouveau, pour trouver un autre un bus plein à ras bord.
18.07.2015
Ce que je redoutais est finalement arrivé: mon corps m’a puni de l’avoir surmené en me gratifiant d’un bon gros rhume. Rien de très grave, heureusement, mais juste assez pour me donner envie de rester clouée au lit toute la journée avec mes paquets de mouchoir. Ce que je ne fais pas, bien évidemment. Aujourd’hui, j’ai profité de mon séjour un peu plus long à Kazan pour m’octroyer une petite escapade loin de la ville et son agitation, au bord d’un lac réputé pour ses eaux, d’une température constante de 4 degrés et d’un bleu limpide, réparatrices. Me retrouver dans la nature, au calme parmi les forêts russes, m’a embaumé le cœur. Mon moral a été mis à rude épreuve, ces derniers jours, non seulement au travers de ma santé défaillante mais aussi des rêves vivaces desquels je me suis réveillée. En effet, depuis 3 ou 4 nuits, je rêve systématiquement que je me retrouve en Suisse, de manière très prématurée et au milieu des miens qui ne semblent pas avoir particulièrement remarqué mon absence. Je ne sais comment interpréter ces songes; même si ma famille et mes amis me manquent, bien sûr, je n’ai pas une envie particulièrement pressante de rentrer. Je ne suis qu’au tout début de mon voyage, je le sais. Peut-être ai-je une peur inconsciente d’être oubliée. Mais c’est normal, leur vie continue et nos chemins prennent des directions très, très différentes, je l’accepte. Tout à l’heure, après une courte baignade dans les eaux glacées du lac, je me suis accordée un temps de réflexion par rapport à tout cela, et j’en suis arrivée à la conclusion suivante: mon inconscient tente probablement de se raccrocher à tout ce qu’il peut de mon ancienne vie, étant de plus en plus forcé d’admettre l’évidence. Elle appartient au passé. Je ressens cette traversée de la Russie de façon très symbolique, comme une transition; chaque kilomètre qui me rapproche de l’est m’éloigne de mes ex-habitudes, préjugés, croyances, et m’emmène vers la personne que j’ai envie d’être. Je ne prétends pas atteindre ce but de sitôt, car je pense qu’une vie entière ne suffit pas pour devenir notre soi idéal, mais au moins, j’y tends. Je ne stagne pas, je suis en mouvement, je change, j’évolue. Je découvre jour après jour en moi une force mentale insoupçonnée, une flamme qui s’est rallumée, et des ressources qui me poussent en avant, un pas après l’autre. Je m’aide pour ce faire de la générosité des gens que je rencontre et de ceux qui me soutiennent depuis chez eux mais ce qui me porte réellement, au fond, se trouve quelque part en moi-même. Il n’y a pas vraiment de mots pour expliquer cela, simplement l’inspirante certitude que quoiqu’il arrive sur mon chemin, j’y survivrai, je grandirai. Et cela suffit à me redonner le moral.
Le lendemain, j’explore encore la ville pendant quelques heures avant de rejoindre Alex, qui m’accompagnera jusqu’à la gare de train.
Intérieur de la mosquée Kul Sharif
A l’entrée, des femmes s’affairent autour de moi pour m’aider à mettre mon foulard correctement. Est-ce que j’ai l’air musulmane, comme ça?
Le type de la sécurité qui contrôle les écrans vidéos joue aussi le rôle de l’Imam qui récite des prières au microphone, ça m’a fait rire 🙂
Merci Alex, tu es génial! C’est parti pour passer la prochaine nuit dans un train.