Seguir – Gustavo Santaoalla
30.05.2015
Je pars. Je pars enfin.
J’ai attendu ce moment pendant si longtemps. Et soudainement, c’est réel.
Je suis remplie de tant d’émotions. L’excitation, la peur, la tristesse, la joie; tout ceci me fait me sentir si vivante. Je suis si impatiente de faire ce grand pas, de me jeter dans le vide. La douche froide, quand soudain tout ce que tu as toujours connu n’est plus là, quand tout est nouveau et tout est un défi, quand tu peux dire au revoir à ton confort et tes vieilles habitudes. C’est comme de dire à la vie: “et merde, je n’ai aucune idée de ce que je suis en train de faire mais je m’en tape, je vais juste te faire confiance pour m’amener là où j’ai besoin d’être.”
Nous ne sommes pas le 30 mai 2015, mais bien le 1er août 2019. Pourtant, ces quelques mots rédigés à la veille ce départ-là, celui ayant inauguré ce blog, résonnent si fort en moi. Ces mots qui ne savaient encore rien de tout ce qui m’attendait, de toutes les vies que j’ai eu la chance de toucher. Qu’est-ce qu’il m’attend, cette fois-ci?
J’ai beau l’avoir déjà fait, j’ai beau avoir grandi et changé depuis, ce sont les mêmes émotions qui me traversent aujourd’hui.
Ce n’est pas facile d’écrire le texte qui marquera ce départ-ci. Il paraît tellement important, peut-être aussi important que celui d’il y a quatre ans. Peut-être que tous les départs le sont…
A l’époque, j’avais choisi de rester concise. A part une citation sur le voyage ainsi qu’une chanson et un petit ‘Je me réjouis!’, je n’ai rien écrit d’autre. C’était à quelques jours du vrai départ. Le jour même, je me revois encore poster un article intitulé ‘Jour-J’ depuis la voiture de mon amie Camille, alors qu’elle m’emmenait à l’aéroport de Genève. J’y avais écrit quelques jolis mots un peu bateau, qui cherchaient surtout à exprimer la gratitude que je ressentais pour les gens que j’aimais et pour l’opportunité qui se présentait à moi, celle de laisser le passé derrière moi et de me jeter vers la vague que j’avais tant hâte d’apprendre à naviguer.
Aujourd’hui, je le poste à nouveau en route pour l’aéroport de Genève, en train cette fois. Curieusement, ma première petite escale s’avère être à Londres également, comme pour mon voyage d’alors. La vague, j’en ai un peu plus peur qu’avant. Je sais qu’elle est merveilleuse, mais aussi qu’elle peut frapper. Qu’elle peut frapper tellement fort, que cela m’a fait rentrer chez moi pendant deux ans, afin de m’en remettre.
Et puis, cette fois-ci comme cette fois-là, je me dis que c’est un départ définitif. Alors forcément, les implications sont un peu plus marquées que pour un voyage de quelques semaines.
La différence, cette fois, c’est que j’ai un plan. Enfin, plus ou moins, on est d’accord. Je sais au moins ce dont quoi sera constitué ma vie pour la prochaine année. Un an entier. Ça, je ne l’avais plus ressenti depuis que j’étais partie avec un vague plan d’à peine deux mois, il y a quatre ans.
Il n’y a pas que ça de différent. A l’époque, je partais tourmentée, cherchant désespérément à fuir une réalité oppressante; aujourd’hui, je me sens apaisée. Je n’ai plus l’impression de fuir, seulement d’avancer, un pas après l’autre.
Alors certes, quatre ans, dis comme ça, ça ne paraît pas tant que cela. Mais il faut me comprendre; pour moi, ces quatre ans ont absolument tout changé. Parfois j’y pense, et j’ai l’impression que ces quatre ans ont été une vie entière. Je ne peux même pas commencer à compter le nombre fou d’évènements, de rencontres et d’émotions que j’ai expérimentés depuis.
Je me sens réellement différente de la personne que j’étais alors, et je ne crois pas que cela soit dû seulement au voyage. C’est l’âge, comme pour tout le monde, et ce sont aussi les expériences de vie, le rapport à la mort, la relation à son corps, les maux du cœur et de l’âme, universels. J’ai connu le deuil, celui de près, de ceux qui bouleversent une vie. Aujourd’hui, je ne peux nier que je l’emporte avec moi, dans mes bagages, consciente qu’il sera probablement à jamais l’une de mes plus grandes forces ainsi que l’une de mes plus grandes faiblesses.
Ainsi, j’ose admettre que j’ai un peu plus peur aujourd’hui que j’avais peur alors, mais que j’ai décidé que cela ne m’empêcherait pas de me mettre à l’eau, quoi qu’il advienne. J’ai décidé et cette décision est un vertige, que je n’ai d’autre choix que d’affronter en ce moment même.
Mon dieu, ce que je me sens vivante.
Ces derniers jours, les notes de Gustavo Santaolla accompagnent mes états d’âmes. Des mélodies mêlant la légèreté de l’espoir et l’envie d’ailleurs, la force d’avancer à de la douce mélancolie inévitable à la vie, et qui rappellent aux beautés simples du monde. Au Chemin.
The Journey
Je pars, je pars enfin mes amis. Je pars non pas car je n’ai plus d’affection pour vous; au contraire, c’est elle qui alimente mes pas. Ma gratitude envers vous est encore plus grande. Non, je pars pour aller voir ce qui se trouve au bout de mon chemin, là, un peu plus loin. En l’occurrence, il m’emmène dans les Caraïbes, pour un mission de 10 mois dans le développement durable. J’espère pouvoir y apprendre beaucoup et apporter ma contribution, ma petite pierre à l’édifice.
Et après, j’irai encore un peu plus loin sur le Chemin. Et peut-être que j’écrirai un autre article comme celui-ci, et j’espère que je m’y extasierai toujours autant face à la beauté de cet instant éphémère, à la croisée des possibilités.
« Et il n’est rien de plus beau que l’instant qui précède le voyage, l’instant où l’horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses. »
― Milan Kundera
Merci, merci, merci.