Mon Histoire

Vous vous demandez peut-être comment je me suis retrouvée, du haut de mes 27 ans, à avoir l’opportunité de voyager à travers plus de soixante pays dans le monde.

Je pourrais simplement vous répondre que l’appel de la route a toujours été plus fort que le reste, pour mon âme nomade en quête constante de liberté et de découvertes. Et c’est vrai, en partie. Cependant, pour réellement comprendre comment j’en suis venue à sillonner notre belle planète des années durant, je dois vous donner un peu de contexte.

Laissez-moi donc tenter de vous résumer mon histoire.

J’ai grandi en Suisse, dans une famille aimante. Je suis née dans un cocon privilégié, et en théorie, j’ai eu droit à une très belle vie, en grandissant. En pratique, cependant, les choses n’ont pas été aussi faciles qu’elles en avaient l’air. J’ai toujours eu le plus grand mal à trouver ma place et à m’affirmer, moi qui ressentait tout si intensément dans un monde où les émotions trop fortes étaient perçues comme une faiblesse. Le résultat a été qu’une fois entrée dans l’adolescence, j’avais intériorisé une profonde haine pour moi-même, car je n’étais pas assez bien, pas assez populaire, pas assez forte, pas assez cool. Je ne comprenais pas encore que la vie avait bien plus à offrir que les limites imposées par l’opinion des autres.

À 16 ans, je suis partie vivre en Espagne pendant 9 mois, afin d’apprendre la langue et ouvrir mes horizons. Sans surprise, à mon retour, j’avais beaucoup changé. J’étais parvenue à m’affirmer un peu plus, mais j’avais aussi été confrontée à un monde de la nuit malsain, où mon corps était constamment sexualisé, où les apparences régnaient en maître. Les nouveaux traumatismes dont j’avais hérité ne m’ont néanmoins pas empêchée de terminer mon lycée, et une fois mon diplôme en poche, indécise quant à mon avenir et curieuse de découvrir ce qu’il pouvait bien avoir au-delà de mes montagnes après l’aperçu auquel j’avais eu droit, j’ai décidé de réaliser un rêve: voyager autour du monde.

Je m’en suis donc allée, à 20 ans, et me suis jetée toute entière dans des réalités totalement nouvelles; j’ai fait du bénévolat dans des milieux très ruraux en Afrique de l’Ouest, je me suis retrouvée seule face à moi-même en Asie du Sud-Est, et j’ai dormi chez des inconnus en Australie, pour ne citer que quelques exemples. J’ai vécu une vie complètement différente pendant quelques mois, et pour la première fois, je me suis sentie vraiment heureuse, à ma place.

Puis, je suis revenue. J’ai revu ma famille et mes amis. Au début, tout le monde voulait entendre mes histoires, me disait à quel point j’avais été courageuse. Les premières semaines furent très intenses. Cet enthousiasme est pourtant vite retombé, et les gens ont commencé à en avoir marre que je leur parle sans cesse de mes aventures. Même moi, j’ai commencé à m’ennuyer de les raconter. Et il y avait cette distance, entre moi et les autres. J’ai beau essayé de l’ignorer, de me convaincre qu’elle n’était pas vraiment là, je ne faisais que me mentir à moi-même; j’avais vu et fait des choses que la plupart ne pouvait se représenter, auxquelles ils ne pouvaient s’identifier. Ce n’était pas ma faute, ni la leur. Mais moi, je ne me reconnaissais plus dans la vie que j’étais censée retrouver comme si de rien, comme si ces cinq mois qui avaient tout changé n’avaient pas existé.

Il fallait cependant continuer d’avancer, et je me suis donc préparée à emménager dans une nouvelle ville afin de commencer mes études. Une conseillère d’orientation m’avait à l’époque conseillé de me lancer dans le social, et mes expériences de bénévolat m’ont aidées à me convaincre de suivre cette voie, même si je savais que cela n’était pas vraiment mon rêve non plus. Ma vraie passion, c’était l’écriture. J’ai toujours aimé raconter des histoires, mais à force de m’entendre dire que je ne pourrai jamais en faire un métier, j’avais arrêté d’y croire depuis longtemps. Je suis donc devenue étudiante en travail social et politiques sociales à l’université de Fribourg. J’étais entourée de beaucoup d’amis, j’avais de bonnes notes, un appartement confortable. J’étais sur le chemin tout préparé pour moi depuis des années, et j’avais supposément tout pour être heureuse.

Pourtant, je ne l’étais pas. J’avais quitté le chemin quelques temps. Je savais maintenant qu’il existait autre chose, que quelque part là-bas, les gens vivaient différemment. J’avais beau essayer de me convaincre que je devais ranger ces souvenirs dans un coin de ma tête en attendant de finir mes études, je n’arrivais pas à éteindre cette petite voix en moi qui ne voulait pas oublier. Alors, le processus a débuté… et il était inarrêtable.

J’ai commencé à réaliser à quel point la société individualiste dans laquelle nous évoluons semble nous éloigner de certaines valeurs fondamentales, telles que la compassion, la patience ou encore l’humilité. J’ai observé à quel point beaucoup sont déconnectés des autres et d’eux-mêmes, souvent trop occupés à fuir une existence morne et oppressante pour questionner leur réalité. J’ai pris conscience de la façon dont nous sommes manipulés à penser d’une certaine manière, en priorisant la réussite matérielle et le statut social par-dessus le reste, ce qui nous amène à son tour à désirer des choses futiles. J’avais l’impression de n’être qu’un pion dans un système infernal qui opprime les plus vulnérables tout en distrayant les plus aisés pour qu’ils ne regardent pas plus loin que leurs écrans. Je me suis rendue compte que j’étais là parce que c’est ce qu’on avait toujours attendu de moi, et qu’on ne m’avait jamais encouragée à penser différemment, à imaginer une autre vie que celle qui ne ferait que perpétuer le même système qui est la cause de tant de nos problèmes sociaux, économiques et environnementaux. Nous sommes tellement hypnotisés que même l’urgence de notre destruction imminente ne parvient pas à nous sortir de notre torpeur pour changer les choses.

Par-dessus tout ceci, je ne me reconnaissais pas dans le modèle “études-carrière-mariage-famille”  dont nous sommes censés rêver. Moi, ce qui me faisait vibrer, c’était l’appel de l’aventure et de la découverte, l’exploration de différentes cultures et modes de vie. Je voulais tenter de voir s’il était possible de vivre dans un monde où notre confort ne serait pas construit sur l’exploitation et le non-respect des droits de ceux qui n’ont pas autant de chance que nous. Mais peu de personnes étaient prêtes à entendre ce genre de réflexions, et je me sentais par conséquent extrêmement seule dans ma tempête intérieure. Cependant, je ne voulais pas me taire pour autant.

Et puis, je me souvenais des sourires de gens vivant si simplement, dans cet autre univers où j’avais un jour mis les pieds…

C’est donc comme ça que j’ai passé mon premier semestre d’université en me sentant étrangère à ce monde. Un jour, je suis allée sur internet et j’y ai trouvé des billets d’avions bon marché pour le Maroc. Mon cœur s’est mis à battre la chamade dans ma poitrine en se remémorant le bonheur que j’avais ressenti durant mon premier long voyage. Je n’ai pas réfléchi longtemps avant de l’acheter. Je me suis donc retrouvée à devoir justifier à mon entourage pourquoi j’avais décidé sur un coup de tête de partir seule pour trois semaines en Afrique du Nord, à l’heure où la peur du monde musulman devenait de plus en plus omniprésente. Évidemment, tout le monde m’a dit que j’étais folle.

Je suis quand même partie. Ce qui s’est passé là-bas est une autre histoire que je vous raconterai un jour de manière plus détaillée, mais ce qui est sûr, c’est que quand je suis revenue, je n’étais plus tout à fait la même. Une graine avait été semée, une phrase décisive avait été plantée dans ma tête…

“Pourquoi pas?”

Les mois suivants consistèrent en une longue bataille entre ma raison et mon cœur. Le choix logique aurait été de rester et de finir mes études, pour avoir un bon diplôme et ensuite décider de ce que je voulais. C’est en tout cas ce que la plupart des gens autour de moi essayaient de me convaincre de faire. Pourtant, les sciences sociales que j’étudiais avaient beau me passionner, et malgré mes excellents résultats, quelque chose au fond de moi ne sonnait pas juste. Tout était trop théorique, je ne voyais pas de connexion avec le réel. L’idée de poursuivre dans cette voie me paraissait tellement insupportable que j’avais progressivement arrêté d’aller en cours, tout en plongeant de plus en plus profondément dans une sombre dépression. J’avais peur, peur d’admettre la vérité: toute cette vie que je m’étais construite s’effondrait. J’ai fini par toucher le fond.

J’y suis restée pendant quelques temps, en contemplant les mots “SOIS RAISONNABLE” écrits, là. Mais l’envie de remonter à la surface a pris le dessus sur mes doutes. La lumière qui me sortirait de ce tunnel se trouvait ailleurs, quelque part où personne autour de moi n’avait encore été: aucune certitude ne m’attendait là-bas, contrairement au cul-de-sac dans lequel je me trouvais, entourée de tous ces gens mais si désespérément seule.

Je suis finalement parvenue à faire mon choix. J’ai arrêté de laisser ma peur guider ma destinée et j’ai décidé de suivre mon cœur. La veille de mon départ, j’ai gravé les mots “Pourquoi pas” sur ma peau, j’ai fait mon sac en y mettant quelques habits, mon appareil photo, ma flûte et mes carnets, et je suis partie. C’était le 11 juin 2015.

Mon premier objectif était de rejoindre la Mongolie en traversant la Russie à bord du fameux Transsibérien, mais je ne me suis jamais vraiment arrêtée depuis. Ce n’est pas pour autant que j’ai renoncé à mon éducation. Peu après mon départ, j’ai recommencé mes études universitaires. À distance, cette fois, ce qui veut dire que je devais trimballer mes livres à travers les plusieurs dizaines de pays que j’ai eu la chance de découvrir. J’ai aussi eu la chance de m’essayer à plusieurs jobs différents à travers des expériences de volontariat: d’une ferme en Lithuanie jusqu’à un camp de réfugié palestinien, en passant par des auberges de jeunesse et des sites de construction. Tout ceci m’a demandé beaucoup de discipline, mais j’ai travaillé dur pour vivre mon rêve, et me voilà, cinq ans plus tard, avec mon diplôme de bachelor en poche.

J’ai vu et fait beaucoup de choses entre-temps. Après huit mois de voyage initiaux, j’ai décidé de donner plus de sens à mon projet, et de me rendre en Palestine afin de faire du bénévolat et en apprendre plus sur la politique de cette région du monde. Voir la réalité au-delà de ce que nous présente les médias. J’en suis revenue bouleversée, et l’euphorie que m’avait procurée mon départ avait depuis été remplacée par une profonde douleur face à l’injustice du monde. Ce voyage m’a aussi fait le cadeau d’une grande histoire d’amour avec un jeune homme palestinien. Malheureusement, l’annonce de sa maladie, puis de sa mort quelques mois plus tard n’ont fait que renforcer mon désespoir, et j’ai failli me perdre pour de bon.

Ce n’est qu’en rentrant en Suisse après cette histoire que j’ai pu réellement comprendre le sens de mon privilège, et cela m’a permis de faire la paix avec mon pays. Le voyage ne s’est pourtant pas terminé là. J’ai notamment marché 900km sur le Chemin de Compostelle, en 2018, ce qui m’a permise de faire mon deuil et me reconnecter aux joies simples de l’existence. Aujourd’hui, je ne suis peut-être plus autant animée par la même fougue insouciante de mes vingt ans, mais j’ai appris de nombreuses leçons précieuses en chemin. Celui-ci n’a pas toujours été facile, mais je n’ai jamais regretté une seule seconde cette folle décision que j’ai prise un jour, et qui a tout changé.

Ainsi, ce blog est le témoin de mon parcours quelque peu atypique. Je l’ai initialement commencé pour donner des nouvelles à mes proches, et essayer de donner un sens à mon histoire. À travers lui, j’ai toujours tenté de retracer non seulement mes vagabondages extérieurs, mais aussi et surtout toutes les manières dont mes aventures au fil des années ont changé mon regard sur le monde et sur moi-même. Mes écrits peuvent donc parfois être très personnels, comme vous avez peut-être déjà pu le remarquer. Ma seule prétention est de vous présenter des récits authentiques, sans chercher à vous présenter une version idéalisée du mode de vie nomade. Je ne l’ai d’ailleurs pas toujours alimenté avec la même assiduité, car j’ai souvent été prise par d’autres projets ou distractions. Parmi ceux-ci, il y a eu la publication d’un ouvrage, qui retrace l’histoire de mon tout premier voyage, bien avant la naissance de Sowanders. Et depuis quelques temps, je prépare la suite, celle qui rentrera au cœur de tous les rouages derrière l’histoire que je viens de vous présenter, et qui s’appelera…

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Bienvenue dans mon monde!

Bonne visite.