Bon. Je suis face à une page blanche de mon ordinateur, sur le point d’écrire l’article qui sera censé relancer mon site internet, me demandant où je vais bien pouvoir commencer.

La dernière fois que j’ai écrit quelque chose ici, je venais de quitter la Palestine, j’étais arrivée en Egypte et j’essayais de comprendre qu’est-ce qui a bien pu m’arriver lors des mois précédents, d’y trouver un sens. Après un mois de repos à Dahab, dans le Sinaï, à faire semblant que tout allait bien, je suis me suis rendue au Caire. Là-bas, j’ai réalisé que rien n’allait bien. Alors je suis rentrée en Suisse, et je me suis promise de ne pas retourner au Moyen-Orient pour longtemps, pour mon propre bien, pour ma santé mentale.

Et me voilà, deux mois plus tard…. à Beyrouth, au Liban.

Bon, alors vous vous demandez peut-être qu’est-ce qui a bien pu se passer entre deux. Quelle succession d’événements m’ont ramenée dans la région que je cherchais tant à fuir? C’est une bonne question, mais j’ai bien peur que la réponse ne soit pas très amusante.

Retournons un peu en arrière. Je suis en Suisse, je n’ai jamais été autant reconnaissante de venir d’un pays comme le mien. Je suis libre, je suis sauve, et je peux être moi-même. Il est facile de prendre ces choses pour acquises, et ma récente expérience en a été une bonne piqûre de rappel. En fait, elle a été la plus grande claque de ma vie.

Alors me voilà, tentant de digérer le fait que ce qui a été pour moi une expérience difficile et magnifique, que j’ai été incroyablement heureuse de vivre mais aussi de quitter après seulement 4 mois, est une réalité pour certains. C’est tout ce qu’ils ont jamais connu, peut-être tout ce qu’ils ne connaîtront jamais. Certaines images tournent en boucle dans ma tête, tels les checkpoints, les soldats, le mur, les coups de feu, les camps de réfugiés, la peur, la souffrance, le désespoir, l’impuissance, telle la nuit où j’ai vu l’AP viser leur propre peuple, telle cette fois où des petites filles rigolaient à propos des tirs se déroulant à côté d’elles au lieu d’être terrifiées, puisque cela n’était rien d’exceptionnel pour elles. Et l’injustice, et la colère, et la frustration, et tout le reste.
En parallèle à ces images, il y avait aussi les beaux souvenirs, les images berçantes, celles auxquelles il faut s’accrocher coûte que coûte si tu ne veux pas devenir fou, les souvenirs d’amitié, d’espoir, de création, d’endurance, de persévérence, de solidarité, de rires, d’amour.  Beaucoup d’amour, de l’amour partout, tout le temps. Et l’amour que j’ai partagé avec quelqu’un de spécial, malgré toutes les barrières entre nous, loin de toute les horreurs que j’ai mentionnées.

Je pensais donc à toutes ces choses. J’y pensais BEAUCOUP. Les aurevoirs ont été rudes, même si je ne regrette pas ma décision de quitter Naplouse. Il y avait aussi cette pièce de théâtre, Incendies, qui se déroule au Moyen-Orient, une de celles qui déchire le coeur à regarder et encore plus à jouer. J’avais peur d’affronter le lots d’émotions qui allaient accompagner le fait de s’immerger entièrement dans un rôle d’une telle intensité. Je me préparais également pour le fameux Chemin de Compostelle, une marche de 800 km à travers l’Espagne, et dont je pensais qu’il pourrait m’amener un peu de paix à mon âme, de clotûre; une perspective bienvenue à ce point de ma vie.

Cependant, comme l’a si bien dit un jour un homme très talentueux, la vie est ce qui t’arrive quand tu es occupé à faire d’autres plans. Et la vie avait effectivement d’autres plans pour moi.

J’aurais aimé dire ce qui suit d’une manière poétique et pleine de sens, mais je me suis rendue compte qu’il n’y a rien de magnifique ou de poétique à la situation. Numan est tombé malade. La personne dont l’amour m’avait tant marqué et dont j’essayais encore d’aller de l’avant a eu un cancer, à 20 ans. Soudain, toutes les raisons qui me rendaient tristes quand j’y pensais semblèrent si stupides. Soudain, j’aurais donné n’importe quoi pour pleurer parce qu’il me manquait et non parce que le reste de sa vie est devenu si incertain.

Je n’y ai pas réfléchi longtemps, j’étais décidée. A ce moment-là, les docteurs n’arrivaient pas à se mettre d’accord sur un diagnostic, et il y avait un gros manque de confiance dans l’atmosphère, alors la décision de partir à Amman a été prise, pour éclairer la situation. Une semaine plus tard, j’y étais avec lui et son cousin Thameen. Et pas beaucoup plus tard qu’une semaine après ça, il était à nouveau parti, de retour dans son pays, afin d’être aux côtés de sa famille pour affronter le lourd traitement qui l’attend.

Me voilà à nouveau, à Amman cette fois et avec un nouveau lot de souvenirs, certains difficiles, certains magnifiques. A devoir vivre de nouveaux aurevoirs, sauf que cette fois tout à changé. J’ai maintenant un choix face à moi. Le choix de m’apitoyer sur mon sort ou celui d’utiliser mes circonstances pour prendre un nouveau départ, pour continuer à faire ce que je sais mieux le faire, c’est-à-dire voyager.

J’ai donc pris un avions deux jours plus tard, et j’ai atterris à Beyrouth, où une toute autre aventure a commencé.

Je vais être honnête avec, cela a été bien plus dur que cela en a l’air, présenté comme ça. Je reste un peu trop à l’intérieur d’un cocon dans mon auberge de jeunesse, ici, alors que j’ai tant de choses à découvrir.

Ce n’est pas juste. Ce n’est pas juste que je puisse simplement m’enfuir de tout cela si facilement, comme la première fois. Seulement cette fois, Numan ne va pas seulement retourner à sa vie sous occupation et moi continuer ma vie ridiculement privilégiée d’étudiante qui parcoure le monde, il y  retourne aussi pour affronter des mois, des années peut-être de combat et de souffrance et du fardeau de devoir vivre avec le cancer.

Je crois sincèrement qu’il a la force et le soutien affectif pour vaincre cette épreuve, et que cela va faire de lui une personne encore plus belle qui ne l’est déjà. Pour ma part, malgré la culpabilité, malgré la tristesse, je dois vivre ma propre vie et apprécier chaque seconde de l’incroyable chance que j’ai, parce que je ne crois pas que de faire ça d’une quelconque autre façon l’honorerait mieux que celle-là, lui ou n’importe quelle autre personne qui ne jouis pas de la liberté à laquelle j’ai droit.

J’ai aimé Beyrouth à la seconde où je suis arrivée ici, et je pense y rester quelques temps. J’aimerais apprendre plus d’arabe et découvrir l’histoire de ce pays fascinant, ce pays profondément blessé. Et si je peux aussi rencontrer de nouvelles personnes incroyables, ou errer dans les rues de cette ville aux multiples facettes, alors j’ai tous les ingrédients pour être heureuse.

Je me réjouis d’embarquer avec vous pour ce nouveau voyage. Ca fait du bien d’être de retour, j’espère que vous appréciez le nouveau site!

Sowanders.

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