Bonjour tout le monde!
L’article que je m’apprête à publier est un pas important pour moi. Je sais que je ne fais pas grand chose d’autre que de parler de moi-même ici 🙂 , mais si je partage autant, c’est parce que j’espère sincèrement que mes expériences résonneront avec certains d’entre vous.
Ceux d’entre vous qui m’ont suivie ces quelques dernières années savent que je suis passée par beaucoup de phases, certaines meilleures que d’autres, et que je me suis quelque peu égarée par moments. Et je réalise de plus en plus que toute mon histoire est celle d’une découverte de moi-même à travers les obstacles que la vie me lance, en tentant de rester fidèle à moi-même et à mes valeurs afin de faire les choix qui semblent adéquats. Vous ne vous identifierez donc peut-être pas très facilement aux événements de ma vie, mais à mon but, oui, je l’espère, car on fait tous à peu près la même chose: on essaie de trouver son chemin dans ce grand monde de fous.
Cet année a été magique pour moi. Après ce que j’ai vécu comme un voyage interminable dans le noir, j’ai finalement vu la lumière au bout du tunnel. Il n’y a aucun doute que de marcher le Chemin de Compostelle a contribué grandement à ma guérison, ainsi que tout votre amour et votre soutien.
Ça, c’était le premier pas.
Toutefois, après que la magnifique expérience de marcher 800 km soit finie, je ne pouvais pas m’empêcher de ressentir quelque chose de perturbant, un chuchotement dans un coin de mon esprit qui me disait: “C’est tout?”. Vous voyez, j’ai fait l’erreur de regarder cette série d’événements comme la fin d’une histoire, au lieu d’un début. Bien sûr, j’avais finalement fait mon deuil (en grande partie), je m’étais remise sur pied et je me sentais super bien. Mais j’ai échoué à me rendre compte que ce n’était que le début d’un long processus de guérison, un processus qui ne s’arrêtera probablement jamais vraiment. Surtout, j’ai échoué à me rendre compte que ce qui venait après serait bien plus important, et probablement l’étape la plus difficile à venir.
Je devais déterminer qu’est-ce que j’allais bien pouvoir faire de ma vie, maintenant que j’en avais à nouveau le contrôle. Maintenant que je commençais à me débarrasser de la voix qui me disait en permanence que j’étais une ratée, maintenant que j’avais récupéré mon énergie (c’est tellement agréable de ne plus être fatiguée tout le temps), une vie d’opportunités s’est ouverte à nouveau devant moi. Mince! J’étais confrontée au même sentiment bouleversant que je connaissais trop bien. “Qu’est-ce que je fais de ma vie???” Une question et des sentiments d’angoisse que je ne connais que trop bien et qui commencent à sonner comme un vieux disque rayé.
Alors pendant un temps, j’ai pris la décision facile. Puisque je ne savais pas quoi faire, j’allais rester où j’étais, et voir où cela mènerait. C’est comme cela que je me suis retrouvée à passer un nouvel été dans ma ville natale en Suisse. J’ai travaillé un peu pour un camp de vacances pour enfants mais à part cela, je n’ai pas été très active. Alors dès que j’en avais l’occasion, je m’échappais pour me rendre en Pologne ou au Danemark, pour voir mes amis, pour pouvoir être plus proche de moi-même, pour être n’importe où sauf ici.
Rentrer à la maison a été une étape indispensable pour moi, afin de me soigner, de reconnecter avec mes amis et ma famille, et à la vie que j’avais laissée derrière. Pour arrêter de m’enfuir. Cependant, maintenant que ce processus est terminé, c’est de rester me semble être une fuite à présent. L’ancienne moi me manque, la fille un peu folle et courageuse qui a pris la route sans savoir ce qu’elle y découvrirait, en adorant le voyage, sans avoir besoin d’une destination. La liberté, l’intensité des émotions, la poésie de la vie…
C’est pourquoi, il y a quelques semaines, j’ai décidé que j’avais besoin de reconnecter avec la voyageuse en moi. Bien sûre, j’ai fait ma part de voyage cette année, mais suivre des flèches et visiter des amis n’a pas la même saveur que de prendre la route, sans savoir où je finirai. La Roumanie habitait mon esprit depuis quelques mois déjà. Alors je suis partie! Pendant deux semaines, j’ai rencontré des gens merveilleux à Bucarest, j’ai erré à travers la Transylvanie, ait été prévenue de faire attention de ne pas me faire manger par des ours, visité le château de Dracula, fait la fête dans une ville pleine de maisons avec des yeux pour mon anniversaire, fait un “roadtrip avec un nouvel ami, ait conduit le long de la fameuse route “Transfagarasan” et même fait du parapente au-dessus de vues magnifiques.
C’était génial!
… Et un peu vide, aussi.
Le jour où je suis partie, je devais prendre un train de cinq heures vers la capitale afin d’arriver à temps pour mon vol. Il n’y avait que deux trains par jour, je n’avais donc pas beaucoup d’autres options. Je ne pouvais pas me permettre d’arriver en retard, j’avais à peu près une heure de marge. J’avais un mauvais pressentiment. Après tout, le système de transport de ce pays m’avait déjà failli au moins quatre fois. Et mes peurs sont devenues réalités. Après deux heures de train, il s’est arrêté pour en laisser passer un autre. Le problème, c’est que nous nous trouvions sur une légère pente ascendante, et que le train n’a pas réussi à redémarrer. Pendant quinze minutes, il a misérablement tenté de repartir, sans succès. Les employés du train ont fini par devoir mettre du sable sur les rails pour aider à l’adhésion. Cela a pris des plombes. Une fois que le train a pu se mettre à nouveau en mouvement (à une vitesse ridiculement lente), j’avais fait face à l’évidence: je n’allais pas arriver à temps pour mon vol.
Si je vous raconte cette histoire, c’est pour ce qu’il s’est passé ensuite. J’étais dans un compartiment avec cinq autres personnes, et puisque je ne suis pas très forte pour cacher mes émotions, ils ont vu que j’étais contrariée. Une femme en particulier m’a demandé comment elle pouvait m’aider, et quand je lui ai expliqué la situation, la réaction a été géniale. Tout le monde a sorti son téléphone (je n’avais pas de connexion) et a commencé à chercher des solutions. Nous avons regardé les prochains vols, et si le mien était à l’heure. La femme a même appelé la compagnie aérienne. Finalement, nous avons décidé que puisque le train était si lent, ma seule chance d’arriver à l’aéroport à temps serait de sortir une station plus tôt et prendre un taxi. Ils ont tout organisé. Quelqu’un m’attendrait à la prochaine gare. Quand je suis sortie, le compartiment entier m’encourageait pour réussir à attraper cet avion. C’était génial!! J’étais tellement touché par tant de générosité.
Le taxi a conduit comme un fou, et je suis arrivée juste à temps à l’aéroport. Ouf! J’ai envoyé un message à la femme qui m’a aidée, pour lui dire que si jamais elle venait en Suisse un jour, elle aurait une amie là-bas. Elle m’a répondu qu’elle travaillait pour l’UNHCR à Genève… que le monde est petit. 🙂
Il y a une raison pour laquelle je vous raconte cet acte de gentillesse.
Vous vous souvenez quand j’ai dit que mon séjour en Roumanie paraissait un peu vide? Et bien, ce moment ne l’était pas. Et je crois que j’ai compris plusieurs choses à propos de moi-même pendant ce séjour. J’ai changé. Je n’ai plus les mêmes attentes qu’avant par rapport au voyage. Même si j’aurai toujours un cœur nomade et que je voudrai toujours découvrir plus de ce que ce monde a à offrir, j’ai réalisé que j’avais un profond besoin de sens qui ne sera pas comblé seulement en “backpackant” allègrement, sans un but. Je l’ai fait, pendant longtemps, et c’était absolument magnifique et plein de sens pour moi sur le moment, ainsi qu’absolument nécessaire pour mon développement personnel. Mes années sur la route m’ont tellement appris à propos de moi-même, et m’ont prouvées que je n’avais besoin de personne d’autre que moi pour m’apporter de la validation.
Je crois que la vie est faite de cycles, et je suis entrée dans une nouvelle phase. Là où ces années de décisions pour moi-même, à construire une image en tant que voyageuse forte et indépendante ont été importantes dans ma trajectoire de vie et pour sortir d’un cycle d’insécurité dans lesquelles j’ai grandi, pour apprendre à être bien toute seule, j’entre maintenant dans un nouveau cycle. Je n’ai peut-être pas besoin de qui que ce soit d’autre que moi-même, mais j’en ai envie. J’ai envie de voyager avec plus de sens, avec un projet, je veux faire partie de quelque chose. Je veux m’entourer de gens qui partagent mes valeurs, même si cela sera peut-être difficile, même si cela implique plus de sacrifices que de simplement compter sur moi-même. Je crois sincèrement que nous pouvons tous grandir et apprendre tant les uns des autres, et que nous sommes mieux ensemble, et je veux incarner cela. Après tout, les plus beaux souvenirs de voyage que j’ai sont ceux de partage, de communion avec les autres, de liens forts tissés par des expériences communes.
Voilà ce vers quoi je veux aller, quitte à ne pas y arriver tout de suite. Quand j’ai exprimé mes doutes à propos de ce que je dois faire ensuite, quelqu’un m’a rappelé que j’avais déjà pris de nombreuses décisions cruciales dans ma vie. Je l’ai certainement en moi. Alors, j’ai décidé de refuser le job et la situation confortables que l’on m’a offerts ici pour l’hiver, dans ma ville natale. Je ne veux plus fermer mes yeux au monde extérieur. Je ne sais toujours pas où aller, ce que je vais faire… mais je suis en chemin. Et j’ai l’impression d’être sur le bon. Cela prendra du temps, je vais sûrement faire encore de nombreuses erreurs… et alors?
Je continuerai à grandir. Comme tout le monde, tous les jours.
Pour l’instant, une nouvelle aventure de quelques semaines m’attend, en vélo vers les Pyrénées, avec mon incroyable amie Caroline qui m’inspire au quotidien, et avec qui j’ai hâte de m’élancer sur les routes de France.
J’ai aussi perdu un ami de longue date, mon fidèle compagnon à quatre pattes Paprika. Avec lui, c’est une part de mon enfance qui s’envole. Mon cœur est rempli de chagrin, mais aussi de joie d’avoir pu connaître ce qui est peut-être la forme la plus pure d’amour qui soit. Au revoir petit Paprika. Je t’emporte sur la route avec moi, au côté des autres.
Allez, c’est parti!
<3