Je suis à Naplouse depuis déjà bientôt deux semaines. C’est drôle, j’ai l’impression que ça ne fait que quelques jours, alors que j’ai déjà fait beaucoup. Je voulais écrire plus tôt, mais j’ai trouvé ça difficile. Je trouve cela encore difficile maintenant, pour être honnête; je n’ai pas vraiment eu le temps de digérer complètement toutes ces nouvelles informations, de m’habituer à l’idée que je suis en Palestine.
Je ne crois pas avoir encore assez de perspective pour tout vous décrire, mais je tenais quand même à vous donner de mes nouvelles.
Je me plais énormément ici. Dès mes premiers instants, je me suis sentie chez moi. A l’opposé de l’image de misère et de désespoir que certaines personnes peuvent avoir de cet endroit, j’ai rejoins une ville vivante, accueillante. En sortant dans les rues, en errant dans les marchés, on entend “Welcome to Palestine” à tout va. Ce n’est pas une ville très touristique, je ne me sens pas harcelée comme j’ai pu me sentir dans tant d’autres endroits, même si je ne passe pas inaperçue, évidemment.
La culture locale me fascine. La nourriture est délicieuse, la musique est sublime. Les normes sociales sont différentes, entre hommes et femmes par exemple, mais tout est imprégné de respect. La religion est quasiment omniprésente, sans être imposée.
Bien sûr, il y a l’occupation. Elle est là, partout, tout le temps, bien qu’elle ne soit pas autant évidente ici qu’ailleurs, elle se manifeste sous plusieurs formes, au quotidien: les “checkpoints” israéliens sur les routes, les prix déraisonnables de certaines denrées, les camps de réfugiés, les maisons détruites, les coups de feu, la nuit, et j’en passe.
Il y aussi et surtout toutes ces injustices dont on me parle. La souffrance, si vieille, de gens considérés par leur oppresseur comme des animaux. Un peuple dont on estime que la vie ne compte pas autant que celle de cet autre peuple, là-bas, après le mur. Alors, j’écoute, j’apprends. Je pourrais écrire longuement sur ce qu’on a à m’en dire, car on m’en dit beaucoup. Les gens ont besoin d’en parler, je crois qu’ils espèrent que leur voix sera entendue au dehors. J’aimerais leur donner cette voix, j’aimerais ne pas le faire maladroitement. J’ai peur de ne pas être à la hauteur.
Entre volontaires aussi, on en discute beaucoup. Il y a ce besoin de comprendre, ce besoin de partager. En eux, j’ai trouvé bien plus que des amis. Je suis entourée ici d’une seconde famille. Je sais, cela peut sembler étrange après si peu de temps, mais le contexte est propice. Nous partageons notre quotidien, et nous traversons cette expérience ensemble, coupé de l’extérieur auquel il est difficile de décrire la vie d’ici. Nous avons créé une petite bulle de laquelle parfois, certains événements doivent nous sortir pour nous ramener à la réalité de l’endroit.
Il n’y a pas que les volontaires, j’adore toute l’équipe de Project Hope. Le matin, nous n’avons qu’à grimper quelques escaliers pour rejoindre les locaux de l’association, où tout le monde se salue gaiement, en arabe souvent. J’ai commencé à apprendre cette langue, qui est difficile, mais dont j’apprends beaucoup grâce à cette immersion. Je pose plein de questions, je progresse comme je peux, grâce à la patience de mon entourage.
Le reste de la journée, tous les volontaires se séparent pour leurs différents cours qu’ils donnent. Pour ma part, ça sera français, anglais, musique, slackline. J’aurai également à passer du temps avec des enfants de maternelle et des enfants autistes.
Les cours sont éparpillés entre des dizaines d’écoles, universités, camps différents. Puis, tout le monde se retrouve, et parle de sa journée. L’ appartement des filles se remplit, plusieurs nouvelles sont arrivées; nous sommes à présent 9 à partager le même espace. Celui des garçons n’est pas trop loin.
Durant notre temps libre, nous vaquons à diverses activités. J’ai déjà eu la chance de prendre part à une sortie scolaire à Jéricho.
Bref, tout se passe vraiment bien, j’ai déjà bien trouvé mes repères ici.
Et puis, il y a eu hier soir….